Jusqu’à présent, seule la justice administrative s’était penchée – à plusieurs reprises – sur le dossier de Caussade : une digue de 12,5 mètres de haut capable de retenir 920 000 mètres cubes d’eau, construite sans autorisation et sortie de terre début 2019, sur un ruisseau de Lot-et-Garonne.
Vendredi 10 juillet, le tribunal judiciaire d’Agen a condamné les commanditaires de cet ouvrage illégal, le président de la chambre d’agriculture du département, Serge Bousquet-Cassagne, et son vice-président, Patrick Franken, à neuf mois de prison ferme et à la révocation d’un précédent sursis de quatre mois pour le premier ; à huit mois ferme et quatorze mois de sursis pour le second, ainsi qu’à 7 000 euros d’amende chacun.
Il leur est reproché d’avoir exécuté des travaux nuisibles à l’eau et aux milieux aquatiques et de les avoir pollués au passage. La chambre d’agriculture, maître d’ouvrage dans cette réalisation, est sanctionnée de 40 000 euros d’amende, dont 20 000 euros avec sursis. Cependant la demande de remise en état du site, donc la destruction du barrage, n’a pas été suivie. Les prévenus ont fait appel du jugement.
« C’est une très bonne décision qui sanctionne fermement la délinquance environnementale, en espérant qu’elle soit confirmée ultérieurement », commente Alice Terrasse, avocate de France Nature Environnement (FNE). La fédération s’était constituée partie civile dans cette affaire, aux côtés de l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières - Truites, ombres, saumons et Sepanso Aquitaine. « Ce sont des peines rarement prononcées dans des dossiers environnementaux, renchérit Florence Denier-Pasquier, vice-présidente de FNE. Mais le barrage va-t-il rester là comme une verrue ? Nous allons continuer à nous battre pour qu’il y ait un partage de l’eau avec les autres usagers, qu’on parvienne enfin à un contrat de territoire dans cette vallée. »
Tourner la page du traumatisme de Sivens
Les services de l’Etat n’en ont donc pas fini avec le casse-tête de cette retenue de 378 mètres de large, installée dans la commune de Pinel-Hauterive, au profit d’agriculteurs irrigants. Certaines de leurs vingt-huit exploitations font affaire avec des semenciers qui exigent d’elles un approvisionnement en eau sécurisé. Faute de quoi, pas de contrat. Or produire du blé pour ces sociétés rapporte jusqu’à dix fois plus que pour une coopérative classique. Les promoteurs du « lac de Caussade », comme ils l’appellent, ont fait de celui-ci un symbole de la résistance aux « oukases des Parisiens », selon l’expression de Serge Bousquet-Cassagne. Depuis deux ans, le président de la chambre d’agriculture répétait à l’envi qu’il voulait ainsi tourner la page du traumatisme de Sivens – un barrage d’une hauteur de 12,80 mètres projeté dans le Tarn, avant la mort du manifestant Rémi Fraisse en octobre 2014 –, « qui a stoppé toute retenue d’eau pour mille ans ».
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