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Covid-19 : crise écologique et mondialisation, matrice de pandémies

Publié le 14 avril 2020

La pandémie de Covid-19 met un nouveau et dramatique coup de projecteur sur les maladies infectieuses émergentes. En quoi l’effondrement de la biodiversité et la crise environnementale génèrent l’apparition et la diffusion de telles pandémies ? Pourquoi la santé humaine passe aussi par la santé des écosystèmes ? Comment prévenir ce type de pandémie ? Éclairages de France Nature Environnement.

Les épidémies liées aux relations humains-animaux sont de plus en plus fréquentes

Comprendre les origines, c’est entrevoir des solutions. Si les maladies infectieuses semblent vieilles comme le monde, la pandémie causée par le coronavirus est historique. Oui, l’humanité est confrontée depuis ses origines aux maladies infectieuses. D’ailleurs, des agents pathogènes transmis de l’animal à l’Homme frappaient sans doute déjà les chasseurs-cueilleurs. Leur occurrence a très probablement augmenté avec la sédentarisation des populations humaines et la domestication des animaux : cette proximité nouvelle a créé les conditions favorables à l’émergence de maladies transmissibles de l’animal vers l’humain et vice-versa.

De telles transmissions, appelées zoonoses, peuvent se faire par contact direct avec un animal, ses sécrétions, déjections ou son environnement souillé, par voie alimentaire ou encore par l’intermédiaire d’un vecteur, comme un insecte. Aujourd’hui, les zoonoses représentent environ 60 % des maladies infectieuses émergentes. 72 % sont liées à des animaux sauvages. Pour les identifier, les prévenir et les contrôler, une surveillance biologique de territoire et une veille sanitaire sur les animaux domestiques et d’élevage s’organisent de nos jours notamment en France.

Mais l’émergence d’une maladie est une chose, sa propagation une autre. Auparavant, ces maladies restaient plutôt cantonnées à des territoires restreints, jusqu’à la Peste noire, première pandémie documentée qui a tué près de 25 millions de personnes en Europe entre 1347 et 1352. Celle-ci s’est répandue depuis l’Extrême Orient vers l’Europe par le commerce maritime, puis s’est diffusée par le déplacement des gens qui ont fui les villes pour rejoindre les campagnes.

Depuis, le rythme d’émergence s’accélère. D’autres maladies infectieuses sont apparues, avec une propagation de plus en plus large : Sida, Ébola, Zika, Chikungunya… Ainsi, au début des années 2000, une nouvelle maladie émergente était notée tous les 14 à 16 mois, contre tous les 10 à 15 ans dans les années 70.

Ce phénomène s’explique par une convergence de facteurs, notamment environnementaux.

De l’émergence à la pandémie

Avec son modèle de développement et l’accélération de la mondialisation, l’époque moderne a créé toutes les conditions favorables à l’émergence et la diffusion de ces maladies : déforestation, destruction des milieux naturels, industrialisation de l’agriculture (accompagnée notamment d’une réduction du nombre et de la variété des espèces d’animaux élevés et une intensification des conditions d’élevage) et augmentation accrue des transports de biens et de personnes. Ces phénomènes ont non seulement rapproché la faune sauvage des animaux d’élevage et des hommes, mais aussi rapproché les différentes populations, dont une partie croissante se concentre dans de grandes agglomérations. Ainsi, des études scientifiques ont pu établir les liens entre l’émergence et la diffusion des virus de la Malaria et Ebola et la déforestation, par l’augmentation des interfaces entre humains et populations animales forestières.

Indéniable facteur de propagation, l’augmentation exponentielle des échanges internationaux depuis 40 ans, aussi bien pour le transport de marchandises (vecteur d’espèces invasives) que de voyageurs en témoigne : de quelques millions de voyages annuels en avion en 1950, nous sommes passés à 730 millions en 1980, et 4,5 milliards en 2019 !

Dans nos rapports à la nature, nos modèles agricoles ou encore de transports… de nouvelles chaînes de transmission sont ainsi créées, provoquant une redoutable poudrière. Les barrières de protection peu à peu levées, les probabilités que des épidémies régionales deviennent des pandémies, comme dans le cas présent du COVID-19, se sont inévitablement renforcées.

Faire rimer santé humaine avec santé des écosystèmes

Dans ce contexte, nous ne pouvons nous contenter de contenir les maladies, les unes après les autres, au prix d’efforts économiques, sociaux et sanitaires difficiles et douloureux et de bilans humains très lourds. Il est nécessaire de s’attaquer urgemment et durablement aux processus permettant leur émergence. Si les liens entre biodiversité et maladies infectieuses sont éminemment complexes, il est certain que les déséquilibres écologiques actuels viennent modifier en profondeur les interactions entre la faune, les pathogènes et l’humanité. L’autorégulation des écosystèmes étant profondément affectée, la survenue de tels virus est favorisée.

La santé humaine est intimement liée à la santé des écosystèmes. Aussi, en plus du renforcement de démarches de recherche interdisciplinaire, de suivi, de formation et de prévention approfondies sur les enjeux santé et biodiversité, des réponses sont aussi à chercher du côté de la préservation et la restauration des milieux naturels et des espèces.

En ce sens, les différents pays doivent se saisir de la prochaine réunion de la Convention internationale sur la diversité biologique en 2021 et de leurs outils nationaux pour prendre des engagements forts en faveur de la nature et des solutions qu’elle apporte à nos sociétés (eau, alimentation, lutte contre les risques naturels et le changement climatique, etc.) :

  • développer et renforcer les aires protégées terrestres et marines afin de préserver de manière forte au moins 10 % du territoire de chaque pays en priorisant des secteurs soumis à d’importantes pressions humaines ;

  • assurer la transition de l’agriculture et de la sylviculture vers des modèles basés sur la nature et les savoirs locaux, préservant les mosaïques paysagères, la diversification et les vastes forêts. Ainsi, au sein de l’Union européenne, la politique agricole commune doit être réorientée en profondeur pour déconcentrer les élevages et favoriser un meilleur équilibre entre protéines animales et végétales dans l’alimentation humaine.

  • stopper la déforestation en adoptant une réglementation contraignante ;

  • restaurer les milieux marins littoraux et côtiers, qui concentrent la plus grande richesse de biodiversité terrestre et marine et constituent un enjeu majeur pour l’avenir de notre société (production primaire alimentaire, résilience accrue aux effets du réchauffement climatique, maintien du trait de côte etc.)

  • lutter contre le trafic d’espèces. Quelque 6 tonnes d’écailles de pangolin, animal a priori impliqué dans la transmission du COVID-19, ont encore été saisies fin mars 2020 en Malaisie ;

  • réglementer la détention et le commerce de la faune sauvage, à des fins de consommation et de loisirs ;

  • stopper les multiples pollutions et contamination des milieux naturels qui favorisent la résistance aux produits anti-infectieux (antibiotiques à usage vétérinaire notamment).

Les réponses sont aussi à chercher dans une plus grande coopération : coopération internationale entre le Nord et le Sud, coopération entre les politiques aujourd’hui trop largement sectorielles et cloisonnées, entre les disciplines (écologie, médecines humaine et animale, sciences sociales, philosophie, éthique…) s’agissant de la gestion des crises sanitaires, notamment liées aux zoonoses.

Enfin, il est également nécessaire de réviser profondément les politiques commerciales, la finalité et la manière dont sont négociés les accords internationaux, de façon à les conditionner au respect d’un socle minimum de règles sociales et environnementales.

La crise sanitaire actuelle est la résultante d’une crise systémique, à la fois écologique, sanitaire, économique et sociale, qui appelle des réponses opérationnelles et globales, fondées sur la nature. Comme le résume l’Organisation des Nations Unies dans son récent message : « nous devons reconstruire en travaillant avec la nature, pas contre elle ». Dans son appel « Pour un monde vivable, coopérons », France Nature Environnement invite ainsi l’ensemble des acteurs publics et privés à sortir de leurs zones de confort pour travailler ensemble afin de redonner la priorité à l’intérêt général et aux « communs ».

Photo : crédit David Brossard

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